20/06/2015
Grèce : comment les créanciers utilisent le Bank Run dans la négociation
Tout au long de la semaine, les créanciers et la BCE ont tout fait pour déstabiliser les déposants grecs. Et placer le gouvernement grec devant un choix impossible.
Le plan des créanciers se déroule-t-il comme prévu en Grèce ? Confronté à une résistance opiniâtre des autorités helléniques sur leurs « lignes rouges », autrement dit principalement sur le refus de réduire les pensions de retraites et d'alourdir fortement la TVA, l'Eurogroupe et le FMI ont tenté une nouvelle offensive durant cette semaine pour « briser les lignes » grecques.
Le scénario chypriote
Cette offensive a commencé lundi lorsqu'une information parue dans le journal munichois Süddeutsche Zeitung dessine un « scénario à la chypriote » pour la Grèce. L'article prédit une fermeture des banques pendant quelques jours, un blocage des comptes, un contrôle des capitaux. Aucun déposant grec ne peut alors ne pas penser à ce qui s'est passé en mars 2013 à Chypre : une ponction sur les dépôts pour renflouer les banques. Or chacun sait aussi que la solvabilité des banques grecques n'est qu'une fiction utile pour la BCE, mais est une fiction. Enfin, la garantie européenne sur les dépôts à hauteur de 100.000 euros est également une fiction puisqu'elle n'est pas assurée par l'UE mais par le pays concerné. Or, la Grèce n'a pas les moyens d'assurer cette garantie ! Le signal est clairement envoyé aux déposants grecs de retirer leurs fonds, alors que, le week-end, les discussions avec les créanciers ont encore échoué.
L'auto-alimentation du Bank Run
Dans les jours qui suivent, les retraits aux guichets des banques s'accélèrent. D'un rythme quotidien de 200 millions d'euros, ils passent à 400 millions d'euros lundi, puis 700 millions mardi pour frôler le milliard d'euros mercredi. Fort opportunément, ces chiffres sont rendus publics chaque soir par des indiscrétions à la presse grecque. Or, en matière de Bank Run, de course aux guichets des banques, le risque est bien entendu l'effet d'entraînement. Si l'on sait que les dépôts s'accélèrent, on juge sa banque de plus en plus fragile et, naturellement, on sent que le moment est venu de retirer, à son tour, son argent des banques. Malgré tout, les autorités grecques demeurent inflexibles et, en ce début de semaine, le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, prévient qu'il ne présentera pas de nouvelles propositions à l'Eurogroupe du 18 juin. Il faut donc encore augmenter la pression.
Le 17 juin, nouvelles pressions
Mercredi 17 juin, la Banque de Grèce publie un rapport catastrophique sur une éventuelle sortie de la zone euro du pays, une alternative que le gouvernement a toujours repoussé, mais que beaucoup jugent inévitable en cas de défaut, donc d'absence d'accord. Surtout, en soirée, alors que tout le monde sait que les retraits s'accélèrent, le Conseil des gouverneurs de la BCE décide de ne relever que de 1,1 milliard d'euros le plafond des liquidités disponibles pour les banques grecques dans le cadre du programme de liquidités d'urgence ELA. La BCE ne peut alors ne pas être consciente qu'elle crée une pénurie de liquidités alors même que les retraits atteignent des sommets. Le coup de théâtre de l'Eurogroupe est alors soigneusement préparé. En tout cas, les déposants grecs, eux, sont parfaitement conscients de cette pénurie. Jeudi 18 juin, La directrice générale du FMI Christine Lagarde affirme, pour encore jeter de l'huile sur le feu, qu'il n'y aura pas de « période de grâce » d'un mois pour la Grèce en cas de non-paiement le 30 juin. Elle ne peut apporter aucune justification à cette affirmation contraire aux statuts et à l'histoire du FMI. Mais il y a là de quoi inquiéter encore les déposants. Jeudi, les retraits dépassent encore le milliard d'euros. A ce rythme, les banques grecques sont au bord de l'effondrement.
La rumeur de l'Eurogroupe
Arrive alors l'Eurogroupe où Yanis Varoufakis présente de nouvelles propositions qui, selon lui, « ne sont pas discutées. » La réunion s'achève sur un nouveau constat d'échecs et une énième métaphore tennistique de Pierre Moscovici (« la balle est dans le camp des Grecs »). Mais Athènes n'a pas cédé sur ce qui est essentiel désormais pour les créanciers : la baisse des pensions. Il faut encore augmenter la pression sur le gouvernement grec. Une dépêche Reuters s'en charge. Elle révèle, en citant des « officiels anonymes » une discussion entre le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, et Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE. A la question du Néerlandais lui demandant si les banques grecques pourront rouvrir vendredi, le banquier central répond : « Demain, oui, lundi, je ne sais pas. » La BCE affirme donc que le scénario présenté lundi par la Süddeutsche Zeitung est possible. La Banque centrale est-elle à l'origine de ces fuites ? C'est peu clair, mais elles sont « confirmées » au Financial Times par deux « officiels » de l'Eurogroupe dans la foulée. Dès lors, elles deviennent réelles. Dans la foulée, un média grec, Proto Thema, annonce que la Banque de Grèce demande un relèvement du plafond de l'ELA. La pression sur les déposants grecs remonte d'un cran.
Relèvement limité du plafond de l'ELA
Le mouvement est habile : la BCE veut avant tout apparaître comme « indépendante » et ne pas « prendre de décisions politiques. » Avec une fuite des dépôts aussi savamment accélérée, toute action sur l'ELA peut être justifiée par des éléments techniques. Mais les buts sont évidemment politiques. La difficulté de l'exercice est alors pour la BCE ne pas précipiter les événements. Il s'agit de maintenir la pression sur le gouvernement grec pour qu'il finisse par capituler devant les exigences des créanciers, pas de conduire à la faillite avant cette capitulation du système financier grec, car, alors, le Grexit deviendrait inévitable. La BCE a donc ce vendredi décidé de relever le plafond de l'ELA de 1,8 milliard d'euros selon d'autres. La Banque de Grèce demandait 3,5 milliards d'euros. Autrement dit, la BCE n'a même pas accepté de ne donner le strict nécessaire. Assez pour faire face pendant quelques jours, mais le scénario chypriote reste d'actualité pour la Grèce. Les déposants demeurent prévenus. Et le gouvernement grec aussi. La BCE maintient la pression pour faire capituler au plus tôt Athènes.
Ceci s'accompagne aussi de nouvelles pressions. Selon Reuters ce vendredi, sans nouvelle "proposition grecque", l'Eurogroupe examinera les conséquences d'un défaut sur le FMI. Déjà, le FESF, premier créancier de la Grèce, a menacé de réclamer à Athènes un remboursement anticipé.
L'impossible choix d'Alexis Tsipras
Pour faire pencher la balance en leur faveur dans les négociations, les créanciers et l'Eurosystème ont utilisé la menace du Bank Run. C'est une arme redoutable, car aucun gouvernement n'est vraiment capable de survivre à un tel phénomène. Cela en dit long sur le point jusqu'où les créanciers sont prêts à aller. S'il veut éviter une catastrophe, le gouvernement grec serait donc, s'il accepte la logique des créanciers, contraint d'accepter lundi leur plan qui, à la différence du plan grec, n'a pas évolué. Alexis Tsipras devrait désormais choisir entre accepter le Bank Run qui mène directement ou à un scénario chypriote ou au Grexit, ou accepter les coupes dans les retraites et la hausse de la TVA qui mènent à coup sûr à la chute du gouvernement et à la dissolution de fait de Syriza, mais aussi à des conséquences néfastes pour l'économie. Alexis Tsipras se retrouve alors perdant dans les deux cas. Mais à condition d'accepter le défi que lui lance les créanciers.
Partie serrée
La véritable question demeure de savoir si la BCE est prête sérieusement à aller jusqu'au bout de sa logique en coupant le fil de l'ELA. Si les banques sont à cours de liquidités dimanche, refusera-t-elle une nouvelle augmentation du plafond ? C'est toujours la même question qui revient depuis la première action de Francfort contre la Grèce le 4 février dernier : la seule institution réellement fédérale de la zone euro peut-elle prendre le risque d'exclure un de ses membres. Cette question ne peut pas recevoir une réponse en termes purement financiers ou économiques. C'est en premier lieu un choix politique puisque, comme l'a encore souligné Angela Merkel jeudi 18 juin à la tribune du Bundestag, l'euro est « plus qu'une monnaie. » La BCE peut-elle prendre le risque de n'en faire qu'une « simple monnaie », de surcroît soutenue par un attelage politico-financier bien fragile ? Athènes peut, par ailleurs, toujours trancher le nœud gordien dans lequel on l'a enfermé et choisir le Grexit en se prévalant de ces pressions et de l'urgence. C'est un risque que les Européens semblent prêts à prendre. Mais jouer aux pompiers pyromanes peut coûter, au final, fort cher.
Romaric Godin
19/06/2015, 16:18
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07/06/2015
Pétition pour un vrai collège
Nous sommes tous allés à l'école et au collège. Les plus anciens ont eu la chance de recevoir une vraie instruction. Alors pour que cela perdure (revienne), signez la pétition qui suit.
m-le-président-de-la-république-pour-un-college-de-l-exigence
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05/09/2014
La déflation serait la dernière défaite de l'euro
Mardi 19/08/2014
Le piège économique se referme inexorablement dans la zone euro. Le scénario de la déflation japonaise était connu. Il était même dénoncé comme le pire danger économique. Et pourtant, par manque de vision et par obstinations politiques, la zone euro s'engage dans cette voie mortifère. Cette plongée dans des abysses économiques sera longue et effrayante car l'Europe a vécu sur un postulat de croissance depuis près de sept décennies.
Une déflation est plus grave qu'une inflation. En effet, une inflation peut être combattue par une augmentation autoritaire des taux d'intérêt et des contrôles des prix, au prix d'un tassement économique. Par contre, une déflation est une résignation parce que la politique monétaire classique devient inopérante. Elle entraîne le chômage, un marasme économique et une augmentation du taux d'intérêt réel (c'est-à-dite après déduction de l'inflation) des emprunts (publics et privés) qui contrarie les investissements. Une déflation s'accompagne d'ailleurs souvent d'un piège de la liquidité, qui est une situation caractérisée par l'accumulation d'épargnes de précaution malgré des taux d'intérêt très bas. Au titre d'exemple la vélocité de la monnaie, c'est-à-dire le rythme auquel les billets "tournent" dans l'économie, a baissé de 50 % en cinq ans. Pour cette raison, il n'est pas possible de stimuler la compétitivité et de baisser les déficits publics en période de déflation.
Les causes de cette déflation sont multiples : il y a bien sûr une désindustrialisation et l'onéreux Etat-providence dont il faudra solder l'endettement. Pendant trop longtemps, l'Europe a cru pouvoir prolonger un modèle d'économie industriel alors que l'économie de marché est désormais fondée sur la flexibilité des facteurs de production et surtout la versatilité des foyers de croissance. L'Etat ne peut donc plus jouer le même rôle redistributif que la reconstruction d'après-guerre et le modèle manufacturier avaient autorisé.
Pourtant, il y a deux autres causes.
La première erreur relève d'une grave myopie politique. Dès la crise de 2008, il était évident qu'un terrible choc allait affecter l'économie réelle. Ce choc de 2008 activa les stabilisateurs économiques des Etats qui durent, de surcroît, recapitaliser ou nationaliser les banques. La croissance de leur endettement était donc inéluctable, d'autant que le choc de vieillissement de la population commença à embraser les dépenses de retraites.
Face à la croissance de l'endettement public, dont les modalités furent d'ailleurs différentes selon les Etats-membres de la zone euro, les autorités européennes décidèrent d'imposer de violentes politiques d'austérité. C'était évidemment une erreur totale, comme si la théorie keynésienne avait été lue avec dyslexie. Dans les années trente, Keynes exhorta les pays en déflation des années trente à ne pas aggraver cette dernière par des politiques de rigueur. Il ne fut pas écouté alors que toutes les politiques déflationnistes échouèrent (Laval en France, Hoover aux Etats-Unis, Brüning en Allemagne, etc.) jusqu'à en devenir des ferments de violence militaire. On le constate d'ailleurs aujourd'hui, les pays qui ont subi les pires politiques d'austérité sont les mêmes que ceux dont l'inflation est devenue négative.
La contraction budgétaire est aujourd'hui scellée dans un pacte européen qui va inévitablement catalyser la contorsion économique. Ce pacte exige de diminuer l'excédent d'endettement public de 5 % par an afin d'atteindre un rapport de la dette publique sur le PIB de 60 %. Le pourcentage de 60 % n'est pas neuf puisqu'il fondait un des critères d'accession à la zone euro en 1999. Cette règle se conjugue désormais à ce qu'on appelle la "règle d'or" qui exige de ne pas dépasser un déficit "structurel", c'est-à-dire compte non tenu des aléas conjoncturels, égal à 0,5 % du produit intérieur brut (PIB). Faute de pouvoir réaliser une dévaluation monétaire 'externe', l'Europe a imposé une dévaluation 'interne', c'est-à-dire une contraction budgétaire et des modérations salariales, traduites sous l'exigence de programmes d'austérité, désormais consacrés par le pacte budgétaire.
L'autre cause de la déflation est l'euro dont les erreurs de conception apparaissaient désormais avec effarement. C'est ainsi que la logique des pays du Nord, qui était fondée sur une désinflation compétitive se transforme en déflation récessionnaire. L'euro est devenu une monnaie génétiquement déflationniste. C'est le piège japonais d'une monnaie forte assortie d'un manque d'inflation et d'une croissance insuffisante.
"Aucune solution n'est idéale"
L'Europe du Nord impose sa souveraineté monétaire à la zone euro alors que l'assouplissement monétaire est poursuivi par les Etats-Unis, l’Angleterre et le Japon. Sans inflation, nous sortions de cette crise d’endettement public " par le bas et par l'intérieur", c'est-à-dire par des effacements de dettes publiques dans les pays du Sud de l'Europe.
De plus, un autre risque se précise : c'est la hausse des taux d'intérêt. Les banques centrales ont toutes affirmé qu'elles garderaient les taux d'intérêt à un niveau plancher mais cela ne vaut que pour les taux à court terme. Les taux à long terme sont, quant à eux, déterminés par les marchés. Et il faut s'y préparer : ces taux à long terme vont augmenter pour plusieurs raisons : aboutissement progressif de l'assouplissement monétaire aux Etats-Unis, chute des devises émergentes, poussées d'inflation, etc. Une telle hausse sera catastrophique pour une Europe, engluée dans la déflation et la récession.
Que devrions-nous faire ? Aucune solution n'est idéale. Pourtant, il faudrait créer un choc d'inflation, c'est-à-dire déprécier fortement l'euro par un immense assouplissement quantitatif, c'est-à-dire un refinancement massif (correspondant à une création monétaire) des dettes publiques des pays fragilisés. En d'autres termes, il faudrait s'inspirer de la politique monétaire japonaise contemporaine, puisque nous tombons dans un scénario nippon. Une inflation risque, bien sûr, d'entraîner une hausse des taux d'intérêt, mais on peut imaginer que les Etats contrôlent suffisamment le circuit du crédit pour la neutraliser. Mais cela ne suffira pas : il faudra réaliser que le retour à l'équilibre budgétaire n'est pas la solution alors que l'économie se contracte. Mieux vaut en effet, de grands projets d'infrastructure destinés à moderniser l'Europe au-delà des Etats-nations. L'Europe n'y est pas préparée. Elle se prépare à une décennie aride. La monnaie et l'ordre social ne sortiraient pas indemnes d'une déflation. Ce serait la dernière défaite de l'euro.
16:48 Publié dans Amis | Lien permanent | Commentaires (0)
28/10/2011
Sapir : l'accord signé ne fait que prolonger l'agonie de l'euro
L'accord réalisé cette nuit ne fera que prolonger l'agonie de l'Euro car il ne règle aucun des problèmes structurels qui ont conduit à la crise de la dette. Mais, en plus, il compromet très sérieusement l'indépendance économique de l'Europe et son futur à moyen terme. C'est en fait le pire accord envisageable, et un échec eût été en fin de compte préférable.
Nos gouvernements ont sacrifié la croissance et l'indépendance de l'Europe sur l'autel d'un fétiche désigné Euro.
Huit mesures actées
Si nous reprenons les mesures qui ont été actées nous avons :
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Une réduction partielle de la dette mais ne touchant que celle détenue par les banques. Autrement dit c'est 100 milliards qui ont été annulés et non 180 (50% de 360 milliards). Cela ne représente que 27,8%. La réalité est très différente de ce qu'en dit la presse. Cela ramènera la dette grecque à 120% en 2012, ce qui est certes appréciable mais très insuffisant pour sortir le pays du drame dans lequel il est plongé.
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Le FESF va se transformer en « fonds de garantie » mais sur les 440 milliards du FESF, seuls 270 milliards sont actuellement « libres ». Comme il faut garder une réserve c'est très probablement 200 milliards qui serviront à garantir à 20% les nouveaux emprunts émis par les pays en difficultés. Cela représente une capacité de 1000 milliards d'emprunts (200 / 0,2). C'est très insuffisant. Barroso avait déclaré qu'il fallait 2200 milliards et mes calculs donnaient 1750 milliards pour les besoins de la Grèce (avant restructuration) du Portugal et de l'Espagne. Cet aspect de l'accord manque totalement de crédibilité.
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La recapitalisation des banques est estimée à 110 milliards. Mais, l'agence bancaire européenne (EBA) estimait ce matin la recapitalisation à 147 milliards (37 de plus). De plus, c'est sans compter l'impact du relèvement des réserves sur les crédits (le core Tier 1) de 7% à 9% qui devra être effectif en juin 2012. Il faudra en réalité 200 milliards au bas mot, et sans doute plus (260 milliards semblent un chiffre crédible). Tout ceci va provoquer une contraction des crédits (« credit crunch ») importante en Europe et contribuer à nous plonger en récession. Mais, en sus, ceci imposera une nouvelle contribution aux budgets des États, qui aura pour effet de faire perdre à la France son AAA !
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L'appel aux émergents (Chine, Brésil, Russie) pour qu'ils contribuent via des fonds spéciaux (les Special Vehicles) est une idée très dangereuse car elle va enlever toute marge de manoeuvre vis à vis de la Chine et secondairement du Brésil. On conçoit que ces pays aient un intérêt à un Euro fort (1,40 USD et plus) mais pas les Européens. La Russie ne bougera pas (ou alors symboliquement) comme j'ai pu le constater moi-même lors d'une mission auprès du gouvernement russe en septembre dernier.
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L'engagement de Berlusconi à remettre de l'ordre en Italie est de pure forme compte tenu des désaccords dans son gouvernement. Sans croissance (et elle ne peut avoir lieu avec le plan d'austérité voté par le même Berlusconi) la dette italienne va continuer à croître.
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La demande faite à l'Espagne de « résoudre » son problème de chômage est une sinistre plaisanterie dans le contexte des plans d'austérité qui ont été exigés de ce pays.
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L'implication du FMI est accrue, ce qui veut dire que l'oeil de Washington nous surveillera un peu plus... L'Europe abdique ici son « indépendance ».
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La BCE va cependant continuer à racheter de la dette sur le marché secondaire, mais ceci va limiter et non empêcher la spéculation.
Les piètres conclusions que l'on peut en tirer...
Au vu de tout cela on peut d'ores et déjà tirer quelques conclusions :
- Les marchés, après une euphorie passagère (car on est passé très près de l'échec total) vont comprendre que ce plan ne résout rien. La spéculation va donc reprendre dès la semaine prochaine dès que les marchés auront pris la mesure de la distance entre ce qui est proposé dans l'accord et ce qui serait nécessaire.
- Les pays européens se sont mis sous la houlette de l'Allemagne et la probable tutelle de la Chine. C'est une double catastrophe qui signe en définitive l'arrêt de mort de l'Euro. En fermant la porte à la seule solution qui restait encore et qui était une monétisation globale de la dette (soit directement par la BCE soit par le couple BCE-FESF), la zone Euro se condamne à terme. En recherchant un « appui » auprès de la Chine, elle s'interdit par avance toute mesure protectionniste (même Cohn-Bendit l'a remarqué....) et devient un « marché » et de moins en moins une zone de production. Ceci signe l'arrêt de mort de toute mesure visant à endiguer le flot de désindustrialisation.
- Cet accord met fin à l'illusion que l'Euro constituait de quelque manière que ce soit une affirmation de l'indépendance de l'Europe et une protection de cette dernière.
Pour ces trois raisons, on peut considérer que cet accord est pire qu'un constat d'échec, qui eût pu déboucher sur une négociation concertée de dissolution de la zone Euro et qui aurait eu l'intérêt de faire la démonstration des inconséquences de la position allemande, mais qui aurait préservé les capacités d'indépendance des pays et de l'Europe.
Les conséquences de cet accord partiel seront très négatives. Pour un répit de quelques mois, sans doute pas plus de six mois, on condamne les pays à de nouvelles vagues d'austérité ce qui, combiné avec le « credit crunch » qui se produira au début de 2012, plongera la zone Euro dans une forte récession et peut-être une dépression. Les effets seront sensibles dès le premier trimestre de 2012, et ils obligeront le gouvernement français à sur-enchérir dans l'austérité, provoquant une montée du chômage importante. Le coût pour les Français de cet accord ne cessera de monter.
Politiquement, on voit guère ce que Nicolas Sarkozy pourrait gagner en crédibilité d'un accord où il est passé sous les fourches caudines de l'Allemagne en attendant celles de la Chine. Ce thème sera exploité, soyons-en sûrs, par Marine Le Pen avec une redoutable efficacité. Il importe de ne pas lui laisser l'exclusivité de ce combat.
La seule solution, désormais, réside dans une sortie de l'euro, qu'elle soit négociée ou non.
Jacques Sapir - Tribune | Jeudi 27 Octobre 2011 à 12:00
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11/05/2010
Les pyromanes jouent aux pompiers
Les Danaïdes, dans la mythologie grecque, sont de délicieuses jeunes filles qui pour avoir tué sans ménagement 50 jeunes gens ont été condamnées dans les enfers à remplir éternellement un tonneau sans fond.
La course éperdue des gouvernements européens pour voler au secours de la Grèce et d'autres pays les conduit à condamner les peuples européens au supplice des Danaïdes. Il y a quelques jours il était question simplement de 30 milliards d'euros pour « sauver » la Grèce et nous voici dépassant allègrement les 100 milliards sans que personne évidemment ne puisse savoir si cela suffira. Pour éponger les catastrophes cachées qu'ils ont eux-mêmes créées, voici que les mêmes gouvernements mobilisent 700 milliards au risque de créer un nouvel incendie !
Le tout repose sur un certain nombre de mensonges.
D'abord, pour la Grèce et pour d'autres, l'on se réfère sans cesse au PIB en rapportant tous les chiffres à cet étalon maintenant universel ; or les économistes savent bien que c'est une quantité qui n'a aucune signification intelligente et qui est trafiquée en permanence dans tous les pays. Bien mieux, l'Europe savait depuis 2001 que les statistiques grecques étaient volontairement faussées par les pouvoirs politiques de ce pays, les autres gouvernements acceptant par solidarité amicale de fermer les yeux.
L'aide promise à la Grèce est présentée comme un simple prêt avec un taux d'intérêt jugé acceptable et l'on entend avec stupéfaction les ministres des finances des pays prêteurs affirmer, non sans aplomb, que le prêt sera remboursé et même qu'au finish l'opération sera fructueuse.
A l'origine de la crise qui frappe durement la Grèce il y a un point qui est passé absolument sous silence par toute la presse : c'est la cupidité des dirigeants politiques grecs. La Grèce est en fait exploitée depuis longtemps par un petit quarteron de politiques agissant à leur profit dans un cadre familial ; pour consolider leur pouvoir et la richesse personnelle qui s'ensuit ils ont pratiqué ce que l'on appelle pudiquement le « clientélisme politique » et ont donc recruté des cohortes de fonctionnaires ou de quasi fonctionnaires ; 70 % des Grecs vivent au dépens de l'Etat au lieu de créer de la richesse comme ils pourraient le faire. Il est facile de comprendre que la découverte brutale de cette réalité avec la perspective de perdre leurs avantages soit terrifiante pour ces millions de gens. Ce pays est loin d'être le seul à souffrir d'un excès de fonctionnarisation.
Finalement il a été victime d'une opération malhonnête qui conduit la population à une double punition. La première est que le peuple grec n'a pas pu s'enrichir normalement en créant de la richesse. La deuxième vient de ce que la sortie est particulièrement cruelle par les remèdes administrés, ce qui conduit aux émeutes dans la rue avec déjà un certain nombre de décès. Cette analyse s'applique avec des nuances diverses à tous les pays européens même aux plus présumés « vertueux ».
En face de cette situation dramatique qu'elle est la réaction de ce que l'on dénomme avec emphase la communauté internationale? C'est là que se situe la solidarité entre eux des dirigeants politiques des divers pays, laquelle est une des faces cachées de cette communauté internationale. Il ne saurait être question pour les autres d'accuser clairement la classe politique grecque, car ce serait risquer le boomerang sur ce qui se passe, sauf exception, dans les grandes démocraties occidentales surtout les plus prétentieuses.
Les mesures imposées à la Grèce sont purement mathématiques et arbitraires, en s'inspirant de la pratique habituelle du FMI. Jugeant, à juste titre, que les déficits sont insupportables, les prêteurs européens obligent le pays à y porter remède mais sans se préoccuper du tout de la façon dont la potion sera administrée. La potion est une austérité vraiment dramatique pour le peuple grec, sans que soit portée nulle atteinte aux privilèges scandaleux de la classe politique.
Il faut ajouter que le secours à la Grèce s'inspire de l'objectif fondamental d'éviter qu'elle sorte de l'euro. Est-il utile de rappeler que Tocqueville Magazine, dès la création de l'euro, a indiqué non seulement que c'était une création nuisible pour les économies engagées dans cette aventure mais qu'un jour l'euro éclaterait? Comme beaucoup d'économistes partagent cet avis et l'écrivent clairement dans les journaux, quelle est la raison pour laquelle les gouvernements européens veulent absolument éviter cet éclatement? L'on retrouve ici encore la cupidité habituelle des politiques. La communauté européenne avec son satellite l'euro est célèbre dans le monde entier pour l'enrichissement indu et considérable des eurocrates allant jusqu'à des retraites parfaitement scandaleuses. L'éclatement de l'euro mettrait à mal l'Europe et par conséquent la rivière argentée où s'abreuve continuellement cet enrichissement.
L'incendie des dettes vient ces jours-ci de recevoir un coup de vent supplémentaire. Un fond de soutien général aux économies en danger va être créé avec 700 milliards d'emprunt ou de garanties. Les Etats européens sont tous connus pour leurs déficits publics, même s'il y a quelques différences entre eux ; l'enrichissement personnel indu des politiques surtout du plus haut niveau est à la fois la cause, le résultat et l'objectif masqué de ces déficits. Au surendettement général il va donc se surajouter un étage. Les peuples sont évidemment abasourdis devant ce cirque, se rendant compte que le supplice des Danaïdes est leur seule perspective.
Les marchés en économie représentent la vox populi. Il est possible qu'ils se rétablissent provisoirement Mais il est un principe absolu : personne ne peut lutter indéfiniment contre les marchés.
Michel de Poncins
17:05 Publié dans Amis | Lien permanent | Commentaires (0)

