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30/03/2008

Il n'y croit plus.

Même un député européiste ne croit plus en l'Europe

Incisif ressort une interwiew peu commentée au moment où elle a été publiée;

LE MONDE | 01.12.07 | 12h57  •  Mis à jour le 01.12.07 | 14h14

Vous abandonnez votre mandat de député après dix-huit années passées au Parlement européen. Pourquoi une telle décision alors que l'Europe semble remise sur les rails après l'adoption du traité de Lisbonne ?

J'ai vécu au Parlement européen des moments très intenses. Nous avons eu le sentiment de contribuer à l'émergence d'un objet politique inédit, voire révolutionnaire. Un objet capable de permettre aux Etats nationaux constitutifs de l'Europe historique de répondre solidairement aux défis de la globalisation. Mais la phase historique qui va de la reconstitution du couple franco-allemand grâce à Valéry Giscard d'Estaing et à Helmut Schmidt jusqu'à la création de l'euro, dernière manifestation de la créativité franco-allemande, a pris fin quelque part entre la guerre d'Irak, l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie, les criailleries budgétaires et un élargissement bâclé. Aujourd'hui, l'Europe n'est plus en crise grâce au traité de Lisbonne. Elle a atteint un palier et elle continuera de fonctionner cahin-caha sans développement institutionnel et politique majeur pour au moins une quinzaine d'années. Elle va connaître ce que Keynes appelle un équilibre de sous-emploi. C'est faiblement exaltant.

Pourquoi ?

Parce que le nombre des membres, l'hétérogénéité des économies et des sociétés, le réveil des identitarismes et l'absence de menace extérieure forte et spécifique rendent extrêmement difficile tout progrès important. Le Parlement, comme d'ailleurs la Commission, a peu à peu cessé d'être le laboratoire d'une volonté commune pour devenir un simple lieu d'arbitrage entre intérêts nationaux, un double du Conseil. Du coup, il n'y a plus de moteur dans l'avion.

Pourtant, l'Europe a mis en commun son commerce, sa monnaie, son marché. N'est-elle pas devenue la puissance souhaitée par les Français et vous-même ?

La réponse est non. L'Union européenne a accompagné une évolution à mes yeux bienvenue vers plus de marché et plus de libéralisme. Mais la liberté des échanges et la concurrence non faussée, si utiles soient-elles, ne suffisent pas. Les politiques publiques, c'est autre chose !
Contrairement à une légende tenace, 90 % des politiques et 98 % des financements restent nationaux. Qu'il s'agisse de l'éducation et de la recherche, du droit du travail et de la protection sociale, de l'organisation administrative des territoires, de la justice et de la police, de la défense et de la politique étrangère et même, malgré Maastricht, des politiques budgétaires et fiscales, l'essentiel du pouvoir reste dans les Etats. Dans ces domaines, l'Europe fait semblant. Semblant d'être une solution aux yeux de ses promoteurs et, à l'inverse, d'être une menace aux yeux de ses adversaires qui lui attribuent abusivement la responsabilité de tous les bouleversements économiques, financiers, sociaux et culturels qui procèdent de la mondialisation.

Néanmoins, l'Europe s'est dotée d'institutions puissantes et sophistiquées...

C'est vrai. L'Union s'est dotée de tous les attributs d'une organisation fédérale démocratique : un gouvernement supranational, la Commission ; une chambre des Etats, le Conseil ; une assemblée supranationale élue au suffrage universel, le Parlement ; une cour de justice et une banque centrale. Il ne lui manque qu'une chose, les compétences correspondantes. Elle est donc surdimensionnée institutionnellement. Elle l'est d'autant plus que deux des principales compétences que lui ont concédées les Etats, la concurrence et la monnaie, sont dépolitisées. Assemblée politique d'une Union qui n'aime pas la politique, le Parlement européen, même s'il ne cesse de grignoter du pouvoir, fait trop souvent figure de porte-avions condamné à faire des ronds dans l'eau.

L'émergence de la Chine, de l'Inde, la menace énergétique et sur le climat ne vont-elles pas engendrer une volonté d'intégration plus forte ?

Dès lors que les Etats se sont arrangés pour garder dans leurs escarcelles l'essentiel des responsabilités politiques, ils ne peuvent envisager d'action commune que sous la forme d'une coopération classique entre gouvernements. Or celle-ci est incapable de donner naissance à des politiques traduisant une véritable ambition. Regardez le processus de Lisbonne en 2000 : on a défini des objectifs mirifiques qui devaient faire de l'Europe la puissance économique la plus compétitive du monde, et il n'en est pratiquement rien sorti puisque la réalisation de ces objectifs reposait exclusivement sur la capacité de chaque Etat à faire le travail chez lui. La valeur européenne ajoutée était quasiment nulle.

Au fond, la fin de l'intégration de l'Europe que vous décrivez est-elle si grave ? Comme le disent les Britanniques, elle a permis une modernisation économique et la paix. N'est-ce pas suffisant ?

Je ne crois pas. Ce que les Européens ne font pas pour eux-mêmes, personne ne le fera à leur place. Nous sommes, avec les Etats-Unis, les héritiers d'une civilisation et d'une culture originale et précieuse. Nous avons depuis un demi-siècle laissé les Américains défendre cet héritage commun. Aujourd'hui, les héritiers sont profondément divisés, incapables d'agir ici et incapables de réussir là-bas. L'Europe est wilsonienne, l'Amérique bismarckienne, et l'une comme l'autre sont tenues en échec. L'idée que cette double impotence puisse être sans conséquence pour l'avenir du monde en général, et occidental en particulier, suppose une bonne dose d'inconscience. Il est essentiel que les Américains prennent conscience des limites de la puissance étatique dans le monde postwestphalien qui est le nôtre et que, à l'inverse, les Européens renouent avec l'idée qu'il n'y a pas de politique qui vaille si elle n'est pas étayée par un rapport de forces durement établi et chèrement maintenu.

Certes, mais l'Europe garantit la paix, et les élargissements successifs ont été l'instrument d'une politique de puissance permettant de l'étendre...

Je suis de ceux qui pensent que ce n'est pas l'Europe qui a fait la paix, mais la paix qui a fait l'Europe. Je reconnais le caractère scandaleux du propos puisqu'il signifie, à rebours de ce que pensent les Français, que c'est la Pax Americana, la sécurité et la sérénité qu'elle a apportées aux Allemands, aux Français, aux Italiens et aux Bénéluxiens qui leur a permis de s'engager sans crainte sur la voie du rapprochement et de l'intégration. Aujourd'hui, l'Union européenne s'efforce de jouer vis-à-vis des peuples de sa périphérie le même rôle que les Etats-Unis vis-à-vis d'elle il y a un demi-siècle. Le problème, c'est qu'elle ne s'est pas donné les moyens de son ambition comme on l'a vu et comme on risque de le voir encore en Yougoslavie.

Cette paix intérieure garantie ne conduit-elle pas d'ailleurs à un émiettement des Etats, comme on le constate en Belgique, voire en Espagne avec la Catalogne, le Pays basque, etc. ?

Il est vrai que l'Union européenne apporte à des entités infra-étatiques la possibilité d'une sécession sans risque. Ce n'est toutefois pas l'explication principale de la fragmentation actuelle. C'est la crise des grands systèmes idéologiques et des solidarités qu'ils généraient qui favorise ce foisonnement identitariste. Au lieu d'opposer l'Etat national et l'Union européenne, on serait bien avisé d'observer que c'est le même mouvement de refus du partage nécessaire à toute vie collective organisée qui fracasse les Etats nationaux et paralyse l'Union européenne.

Comment jugez-vous l'action de Nicolas Sarkozy en Europe ?

Je suis partagé entre l'admiration et l'inquiétude. Admiration de voir l'efficacité et la rapidité avec lesquelles le président français a contribué à sortir l'Union de sa crise et à réinstaller la France au coeur de la construction européenne. Inquiétude en revanche devant la désinvolture avec laquelle on aborde les questions budgétaire et monétaire et celle du respect de nos engagements envers nos partenaires. Le paquet fiscal de l'été dernier est le péché originel de la politique européenne du nouveau président. L'Union n'est pas un prolongement du jardin à la française et il ne suffit pas à la France de dire ce qu'elle veut pour que ce soit la volonté de tous. Je ne voudrais pas qu'on se fasse trop d'illusions sur les possibilités réelles de la présidence française. Le président de l'Union n'est pas le cocher de l'Europe. Il en est tout au plus l'honnête courtier. Il a les bras chargés des enfants des autres et ses propres enfants ne verront le jour que longtemps après sa présidence. Comme disait Berlusconi lors de son étrange discours devant le Parlement européen : "Six mois, c'est vite passé." L'Union n'atteint à la décision qu'après une longue période d'infusion. L'étoile européenne de Nicolas Sarkozy se perdra s'il se refuse à jouer avec le temps.

Votre démission du Parlement suit de quelques mois votre rupture avec François Bayrou. Quel est le lien entre ces deux décisions ?

Je ne me reconnais dans aucun des partis en concurrence. Ma famille politique, "sociale, libérale et européenne", qui a fait pendant vingt ans jeu égal avec le parti chiraquien, gît désormais à terre, tronçonnée en trois morceaux inanimés : entre l'UMP, le MoDem et le Nouveau Centre, les enfants de l'UDF n'ont le choix qu'entre une reddition, une secte et un camp de réfugiés. François Bayrou n'est pas le responsable exclusif de cette situation mais il y a contribué. Il chérit sa solitude comme on courtise une voyageuse de nuit et voit dans son exil intérieur la préfiguration providentielle d'un destin hors du commun qui lui vaudra demain le règne, la puissance et la gloire. Etonnant, non ?
 
Propos recueillis par Arnaud Leparmentier
Article paru dans l'édition du 02.12.07

16:42 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1)

16/03/2008

La Pologne se rebelle

Le “oui, mais” polonais au traité de Lisbonne

Le parti Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski et de son frère Lech, président de la République, exige que le préambule à la loi de ratification stipule la primauté de la Constitution polonaise sur le Traité européen. Jaroslaw Kaczynski souhaite que soit réaffirmé que « la République polonaise reste et restera un État souverain ». Cette condition est pour lui nécessaire pour donner le feu vert de son parti. « Si on décide de faire passer en force la version de la ratification proposée par le gouvernement, nous serons obligés de voter contre ou au moins nous abstenir, ce qui revient au même » a-t-il déclaré.

La ratification du traité devant être votée à une majorité qualifiée des deux tiers, Jaroslaw Kaczynski dispose avec 159 députés sur 460 d’une minorité de blocage d’un peu plus d’un tiers. Il est donc en mesure de pouvoir bloquer la ratification du traité. Mais les conservateurs sont partagés et le Premier ministre libéral Donald Tusk a prévenu : « Les Kaczynski ont dépassé les bornes. Je ne les laisserai pas faire. » Certes, mais comment ?

 

T.B.

11:06 Publié dans Amis | Lien permanent | Commentaires (2)

08/03/2008

Le coup d’Etat du traité de Lisbonne


C’était le titre de la conférence que développait Patrick Louis, député français au parlement européen devant les membres du Centre Lesdiguières à la Mairie de Corenc le 27 février dernier.

L’orateur montra que les institutions de « l’Union Européenne » constituent un coup d’Etat permanent qui détruit l’identité des peuples.

Les conditions d’une démocratie sont abolies puisqu’il n’y a pas de DEMOS européen :
Pas de langue commune (si ce n’est le « globish », le « global english » ou desespéranto qui n’a que de lointains rapports avec la langue de Shakespeare)
Pas de culture commune,
Pas de nation, pas d’histoire, pas de racines,
Pas d’expression libre du peuple : les députés au Parlement européen représentent un nombre d’électeurs très différents.

Il est donc très improbable de pouvoir dégager un bien commun.

Par ailleurs, il n’y a pas de CRATOS européen : les élus n’ont pas de pouvoirs ; c’est la Cour de justice européenne qui a tout pouvoir et s’impose dans tous les cas en « faisant le droit ». La Commission européenne utilise le Parlement contre les chefs d’Etats. Les votes des députés européens ne servent qu’à ça et ne sont d’ailleurs pas appliqués. Au Parlement, il faut être dans le consensus mou, sinon on s’y fait massacrer.

Dans cette perspective, le traité de Lisbonne est un scandaleux coup de force un déni de la démocratie :

Sur le méthode, car le « mini »-traité est la copie conforme de la constitution qui a été refusée par le peuple français lors du référendum de 2005,
Sur le fond, le pouvoir est retiré aux chefs d’Etats au profit d’une personnalité morale sous la coupe d’un triumvirat aux pouvoirs absolus ( le Président du groupe des chefs d’Etat, la Président de la Commission et le Président de la cours de justice).

Dans ce système, la souveraineté des peuples est bafouée. On ne tient plus compte des intérêts des peuples et on abandonne toutes les compétences régaliennes (défense nationale, maîtrise des monnaies).

La Charte des droits fondamentaux ne tient compte ni de l’histoire ni de la civilisation des peuples concrets, les racines chrétiennes sont occultées, l’ordre naturel nié (mariages homosexuels, IVG, euthanasie…) et aucun référendum ne peut la corriger.

Le système produit du droit, pas de la légitimité ; le traité s’auto-évalue hors des peuples qui pour ne pas perdre leur âme ne pourront que se rebeller contre cette autorité usurpée.

A la question « qui a intérêt à la construction de cette usine à gaz ? », Patrick Louis évoque les systèmes financiers qui pensent bénéficier de l’affaiblissement des régulations politiques ou qui voient dans « l’Europe » une étape pour un gouvernement mondial. Par ailleurs, les Allemands peuvent voir favorablement une façon de refaire l’empire perdu en 1945.

Y a-t-il des moyens pour en sortir ? L’Union européenne pratique un « despotisme éclairé » empêchant l’émergence d’une volonté populaire. Mais elle ne produit que des normes et des règlements et pas de richesses (de ce point de vue là elle est « soviètoïde ») elle aboutira à une crise politique, économique et sociale. La sortie ne pourra se faire que dans la crise.

 

Incisif