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11/07/2007

Le royaume et l'empire première partie

Considérations sur l'exception française.



Ah que l'Europe était belle quand au milieu du XXme siècle, elle n'était qu'un test projectif; chacun pouvait la rêver en fonction de ses fantasmes :
- la Paix Perpétuelle dans la lignée "généreusement" pacifiste d'Aristide Briand ("harrrière les canons, harrrière les mitrrailleuses"),
- l'union des forces américano-occidentales contre le péril venu de l'Est, rouge, voire jaune,
- la discrète revanche des vaincus de l'histoire, celle des autonomistes bretons basques, flamands ou alsaciens dont l'identité régionale avait été mise à mal par deux siècles de jacobinisme, celle aussi des épurés d'après 45 qui, quelques années auparavant, avaient plus ou moins cru à la "Nouvelle Europe" rassemblée autour du Reich de mille ans,
- la Sainte Economie Romaine Germanique, c'est-à-dire l'internationale démocrate chrétienne soutenue par Pie XII à l'époque où une conjonction des chefs d'Etat catholiques de culture germaniques dominait l'ouest européen : Adenauer, Robert Schumann (alsacien d'avant 1914), et Gasperri, italien de Trieste, (la vieille tentation du progressisme chrétien: vouloir réaliser l'unité de la Jérusalem céleste par des moyens humains),
- les guelfes comme les gibelins croyaient que l'Europe étaient une façon de réaliser leur antique idéal, tandis qu'idéologues, technocrates et marchands pensaient ainsi se débarrasser des archaïsmes d'une histoire trop complexe pour permettre la réalisation des utopies rationnelles modernes,
- les uns y ont vu une façon de préserver l'identité des vieux peuples de l'ancien continent, les autres une étape dans la réalisation du "village planétaire". L'Europe devait nous débarrasser du poids d'un Etat bureaucratique pour les libéraux, elle incarnerait l'Internationale socialiste pour les sociaux-démocrates, elle permettrait de mettre les écoles libres au même rang que l'école laïque pour les héritiers du M.R.P., tandis que pour les héritiers de la philosophie des Lumières, elle réaliserait enfin une cité rationnellement fondée sur le contrat...

Hélas, en s'incarnant le rêve perd son prestige; l'euroscepticisme se développe en conséquence et la belle Europe que Zeus transformé en taureau avait enlevée des rivages d'Asie, accouche d'une étrange vache folle.

Aujourd'hui que les institutions européennes commencent à peser sur les Européens, les contradictions se manifestent (non, les intérêts des producteurs de fruits de la Drôme ne sont pas forcément complémentaires de ceux de l'Andalousie !) et l'on se rend compte que tout le monde ne peut se retrouver gagnant dans ce processus. L'Europe ne semble plus aussi clairement que naguère un gage de paix et de prospérité. Au XIXme siècle, le Royaume de Naples possédait une économie diversifiée. Le risorgimento a ruiné l'artisanat et l'industrie locale et a réduit l'Italie du sud à une réserve de main d'oeuvre destinée à l'émigration. Après tout, la Norvège ou la Suisse ne semblent pas s'effondrer économiquement, et il est permis de se demander si ces pays n'ont pas fait un bon choix en refusant de s'aliéner.

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Michel Michel sociologue, maître de conférence à l'Université de Grenoble II

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