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11/07/2008

L’Europe selon Védrine

Lu dans Présent du vendredi 11 juillet 2008.


Ancien ministre des affaires étrangères, et pas des plus mauvais, le socialiste Hubert Védrine s’est plusieurs fois manifesté comme l’un des bons connaisseurs de la situation internationale (meilleur en tout cas que le président Sarkozy). Son avis sur l’Europe après le non irlandais est intéressant.
• D’abord une phrase un peu longue, mais claire, par laquelle Védrine ratiboise définitivement l’illusion sarkozyenne :

« Le droit international est formel : un traité européen, qui est un traité international, ne peut être ratifié qu‘à l’unanimité des Etats membres, sauf si tous les Etats membres ont décidé antérieurement, à l’unanimité, que ce traité pourrait être ratifié à la majorité, ce qui n’est pas le cas pour le traité de Lisbonne. »

• Il est donc trop tard pour s’obstiner à poursuivre malgré tout le « processus de ratification », et à réclamer la polonaise, la tchèque, etc., pour un traité qui n’existe plus, un seul « non » étant suffisant pour le rejeter sans appel. La manière outrageante dont le président Sarkozy a interpellé le président polonais Lech Kaczynski est surréaliste, surtout quand il dit : « Il a signé à Bruxelles, il doit ratifier à Varsovie. » Entre Bruxelles et Varsovie est survenue la mort du traité de Lisbonne. On ne pourrait désormais lui apporter de ratifications que dans une totale illégalité : elles seraient forcément nulles.

• Là-dessus le même Hubert Védrine parle d’un désaccord désormais flagrant « entre les élites et la population européenne », puisque le refus de l’Irlande n’est pas isolé et que « tout le monde sait », dit-il, que « s’il y avait eu des référendums partout, le non l’aurait emporté ». Cette manière de considérer la classe dominante politico-médiatique comme constituant de plein droit « les élites » de l’Europe est tellement époustouflante que l’on peut se demander si Hubert Védrine n’y met pas quelque cinglante ironie. Ces prétendues « élites » ne le sont que par une odieuse supercherie démocratique, elles sont étrangères à la vie familiale, à la vie des métiers, à la vie des communes, à la vie nationale, elles ont fait carrière à l‘écart des réalités sociales, dans une mentalité artificielle, bureaucratique, blagologique. Pour comprendre à fond en quoi consiste l’escroquerie politique et morale de nos fausses « élites », rien de mieux que l’ouvrage d’Henri Charlier : Culture, Ecole, Métier, paru il y a plus de cinquante ans et toujours vérifié par le cours des choses.

• Le président Sarkozy s’est rendu compte lui aussi du divorce entre les peuples européens et la classe politico-médiatique actuellement dirigeante en Europe. Il a la bonté de nous reconnaître qu’« on ne peut pas changer les peuples ». Merci mon prince ! Mais il en conclut : « Nous [c’est-à-dire les dirigeants] nous devons donc changer… » Changer quoi ? « Changer notre façon de parler. » Il n’y voit en somme qu’un problème de « communication », à résoudre par des bavardages et autres simagrées, pitreries, acrobaties verbales à la télévision.

• Du divorce croissant entre les peuples et les gouvernants, Hubert Védrine conclut au contraire qu’il faut renoncer à la politique européenne suivie jusqu’ici, politique d’intégration (nous dirions : « fédéraliste ») qui prétendait fondre les peuples sous une seule souveraineté : cette politique « a été longtemps présentée comme la seule voie légitime, mais ce n’est plus une voie d’avenir » puisque « dès qu’ils en ont l’occasion les peuples votent contre ». Hubert Védrine semble regretter qu’il en soit ainsi (à moins qu’il ne s’agisse de sa part d’une concession rhétorique pour garder l’oreille des européistes à convaincre). Mais quoi qu’il en soit, la politique d’intégration fédéraliste n’a, selon nous, jamais été possible. Nous ne chercherons pas querelle à ceux qui en viennent à estimer seulement qu’elle ne l’est plus. Ils regrettent que cela n’ait pas marché. Nous pensions que cela ne pouvait pas marcher. En s’obstinant sur son « Lisbonne », le président Sarkozy engage sa présidence européenne dans la mauvaise voie.

JEAN MADIRAN

16:10 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

un membre des élites qui sent le vent tourner et qui le dit enfin ?

Écrit par : Paul-Emic | 11/07/2008

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