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12/12/2007

Incroyable : quatre pays peuvent faire capoter le «Traité simplifié»

Tout le monde fait comme si le Traité de Lisbonne était déjà adopté. En réalité, l'Irlande, l'Angleterre, le Danemark et la Belgique peuvent le faire capoter.
« Promis, on ne fera pas de référendum », ont juré, la main sur le cœur, Français, Hollandais et Tchèques durant la négociation du traité de Lisbonne en juin dernier. Nicolas Sarkozy est alors rentré à Paris annoncer que le nouveau traité européen serait adopté avant la fin de l'année 2007. Outre le fait qu'il avait totalement oublié que la procédure parlementaire française l'empêcherait de tenir ce délai, le nouveau Président avait négligé que, selon le principe d'unanimité en vigueur en Europe sur les traités, le rejet du texte par un seul Etat membre invaliderait tout le processus. Or, quatre pays pourraient poser des difficultés. Selon des sources proches des autorités européennes, la France, qui présidera l'UE à partir de juin 2008, préparerait déjà son argumentaire pour éviter les impairs.

Irlande : un référendum gagné d'avance ?

Seul pays recourant au « référendum obligatoire » pour les affaires européennes, l'Irlande a déjà par le passé rejeté le traité de Nice, en 2001. Bien que l'UE ait été l'un des principaux artisans du « miracle irlandais », un sondage paru dans l'Irish Times du 5 novembre 2007 marque le désintérêt de la population pour le traité… pour le moment ! L'enquête donne 25% des personnes interrogées pour et 13% contre avec une majorité écrasante de 62% d'indécis. « Les Irlandais sont capables de dire « non » quand ils le pensent, explique Dennis Mc Shane, ancien secrétaire d'Etat aux Affaires européennes anglais. L'Irlande de 2007 n'a rien à voir avec la France de 2005 : ils sont en plein boom économique, les syndicats sont favorables à l'Europe et il n'y a pas de Laurent Fabius ! »

En apparence, toutes les conditions semblent réunies pour que le « oui » l'emporte, sans compter que la quasi totalité des partis politiques sont euroenthousiastes. Mais certains éléments laissent planer un doute quant à l'issue du vote. La date de scrutin n'a pas encore été arrêtée par le gouvernement et, selon le site d'information européen EurActiv, le gouvernement travaillerait très sérieusement à garantir l'adoption du traité. Pierre Moscovici et Frans Timmermans, ministre délégué aux Affaires européennes hollandais, ont même fait le déplacement jusqu'à Dublin pour expliquer aux députés ce qu'il en avait coûté à leurs pays respectifs de dire « non » au Traité constitutionnel européen en 2005. Ann Cahill, correspondante à Bruxelles du Irish Examiner, note, entre autres arguments, que la côte de popularité du gouvernement et de son chef, Bertie Ahern, est en baisse, ce qui ouvrirait à la voix à un vote sanction : « la croissance ralentit et les Irlandais commencent à se plaindre des étrangers, notamment ceux venus d'autres pays de l'UE, qui représentent aujourd'hui 12% de la population active. »

En France, le « cas irlandais » est observé de près. Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République et ferme adversaire du traité de Lisbonne compte sur les Irlandais : « si rien ne se passe en France, ils peuvent encore faire la différence. » Aidé par le groupe souverainiste européen Indépendance et Démocratie, il compte aller faire campagne à Dublin pour le « non », comme d'autres partisans du traité iront encourager le « oui ». Une mobilisation qui rappelle celle du référendum sur le traité de Nice… que les Irlandais avaient rejeté en 2001.
Angleterre : le seul Etat membre foncièrement noniste

Le voisin de l'Irlande est pour sa part dans une situation particulière : ne s'étant pas arrêté sur le mode de validation du traité de Lisbonne, il peut encore décider d'opter pour le référendum. Le mode d'adoption dépendra en grande partie du résultat du vote irlandais. Mieux vaut dire « non » après Dublin que de recevoir le bonnet d'âne pour avoir stoppé le processus de ratification en s'en remettant aux urnes. Car le Royaume-Uni a cela de particulier que non seulement l'opinion est traditionnellement contre la montée en puissance de l'Europe mais aussi la majorité de sa classe politique ! « Même les médias sont pour le non », souligne Christophe Beaudoin, président de l'Observatoire de l'Europe après le non. Cette situation met le Premier ministre, Gordon Brown, dans une situation délicate : alors qu'il bénéfice de moins en moins du soutien de l'opinion, l'opposition conservatrice le pousse à organiser un référendum… pour lui donner la responsabilité de son éventuel échec !
 
Belgique : petit souci de gouvernement provisoire

Si la Belgique a pris l'option parlementaire, c'était avant le début de la crise qui l'a privé de gouvernement. L'arrivée d'un cabinet provisoire mené par Guy Verhofstadt, l'ancien premier ministre, ne fait que déplacer la question : en droit constitutionnel, un gouvernement provisoire ne peut en effet traiter que des questions relevant des « affaires courantes ». D'où le débat qui, depuis le retour en fonction de Verhofstadt, agite les pages du quotidien Le Soir : l'adoption d'un traité européen est-elle une affaire courante ? Entre juristes, la bataille fait d'autant plus rage qu'un précédent existe : le 2 février 1992, le traité de Maastricht fut signé alors que le gouvernement issu des élections du 24 novembre 1991 n'avait pas été formé. La situation est ici sensiblement différente dans la mesure où ce n'est pas le délai de formation du nouveau gouvernement qui retarde la mise en place d'un cabinet mais une crise politique majeure qui empêche tout accord. Dans ce cas, il serait presque plus simple de passer par un référendum, les Belges étant considérés comme les plus euroenthousiastes de l'Union ! 

Danemark : la possibilité d'un référendum

Un rapport a aujourd'hui été rendu par le ministre de la Justice sur le traité de Lisbonne, assurant que ce dernier ne menaçait pas la souveraineté de ce pays qui avait déjà refusé la première version du traité de Maastricht (avant d'en accepter une version amendée). Mardi 11 décembre, le Premier ministre annoncera le mode de scrutin retenu. Les élections législatives du 13 novembre dernier n'ont donné lieu à aucun débat sur la question européenne : la majorité libérale conservatrice est en effet aussi favorable au traité de Lisbonne que les socio-démocrates et les socialistes. Hormis un excès de confiance qui pourrait pousser le Premier ministre à choisir l'option référendaire, il est peu probable qu'il prenne le risque.

Car, depuis 2005, le « complexe du référendum » plane sur tout ceux qui osent approcher la voix des urnes, confie-t-on dans les instances européennes. « C'est un outil de déstabilisation politique terrible : tous les Etats membres et partis politiques tomberaient à bras raccourcis sur un gouvernement qui ramènerait le « non » en Europe. » Ainsi que sur le très présomptueux Président français qui a fait de l'adoption du traité une héroïque geste pour se démarquer de « l'échec européen » de Chirac.
 

Sylvain Lapoix

21:00 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

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