22/10/2007
Les Vingt-Sept approuvent le traité de Lisbonne
Le Monde 19/10/2007
Les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, réunis à Lisbonne, sont parvenus à un accord, dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 octobre, sur un nouveau traité destiné à améliorer le fonctionnement de leurs institutions. Ils sont venus à bout des ultimes résistances de plusieurs Etats membres, au prix de laborieuses tractations révélatrices de leurs difficultés à faire prévaloir l'intérêt européen sur leur agenda national. Ce traité, qui réforme les traités antérieurs pour rendre l'Europe plus gouvernable, est le premier à avoir été négocié depuis que l'Europe, élargie en 2004 et 2007 aux pays d'Europe centrale, aux pays Baltes, à Malte et à Chypre, a atteint sa nouvelle dimension continentale.
Deux ans après l'échec de la Constitution européenne, rejetée par les Français et les Néerlandais, une page se tourne. "L'Europe est sortie de sa crise institutionnelle, elle est prête à affronter les défis du futur", a affirmé le premier ministre portugais, José Socrates, qui présidait les travaux. "Il est temps pour l'Europe de passer à autre chose et de se consacrer aux sujets qui préoccupent les gens : la croissance économique, l'emploi, les changements climatiques et les questions de sécurité", a déclaré le premier ministre britannique, Gordon Brown. Son pays n'a pourtant accepté ce traité qu'au prix, une nouvelle fois, de dérogations qui lui permettront de ne pas s'associer, le cas échéant, à certaines politiques sensibles, comme la coopération judiciaire et policière.
SIGNÉ DÉFINITIVEMENT EN DÉCEMBRE
Une bonne partie des discussions de la soirée à Lisbonne a tourné autour de la demande italienne d'obtenir au moins un poste d'eurodéputé supplémentaire, afin de ne pas décrocher des pays de taille voisine, comme la France et le Royaume-Uni. Cela a été accordé à Romano Prodi, sous pression dans son pays. L'Italie disposera de 73 élus, comme le Royaume-Uni, contre 74 à la France. Du coup le nombre total de membres du Parlement européen passera de 750 à 751.
A deux jours de leurs élections législatives, les Polonais, qui contestaient le nouveau système de vote prévu par le traité, ont obtenu le renforcement du mécanisme de "Ioannina", qui permet à quelques Etats, même s'ils n'atteignent pas la minorité de blocage, de geler pendant quelque temps une décision approuvée par la majorité. Ce mécanisme fera l'objet d'une déclaration jointe en annexe au nouveau traité, et un protocole précisera qu'il ne pourra être modifié qu'à l'unanimité. Varsovie a arraché aussi la désignation d'un avocat général polonais auprès de la Cour européenne de justice.
Les dirigeants européens se sont réjouis unanimement d'être parvenus à leurs fins. La chancelière allemande Angela Merkel a parlé d'une "avancée politique décisive". Le président Nicolas Sarkozy, par l'intermédiaire de son porte-parole, David Martinon, a fait part de sa "très grande satisfaction". José Manuel Barroso, président de la Commission, a souligné que la réforme institutionnelle doit donner à l'Europe la "capacité d'agir".
Pour ses promoteurs, le traité de Lisbonne permettra un meilleur fonctionnement des institutions européennes, en facilitant les prises de décision dans l'Europe élargie. C'est notamment l'objet du nouveau système de vote, qui vise à établir un meilleur équilibre entre les petits et les grands Etats. Le traité doit aussi favoriser l'adoption de politiques communes dans deux domaines appelés à se développer au cours des prochaines années, l'action extérieure et la sécurité intérieure.
La cohérence de la politique étrangère et de sécurité commune sera renforcée par la nomination d'un haut représentant, qui sera en même temps vice-président de la Commission européenne et disposera d'un important service diplomatique. La désignation d'un président stable, qui assurera la représentation extérieure de l'Union, accroîtra aussi la visibilité et la continuité de la diplomatie européenne.
En matière de coopération judiciaire et policière, la plupart des décisions seront prises désormais à la majorité, et non plus à l'unanimité. En favorisant une meilleure collaboration, ces dispositions devraient aider au renforcement de la lutte contre le terrorisme, mais donner aussi une nouvelle impulsion à la politique commune d'immigration.
Après son approbation par les chefs d'Etat et de gouvernement, le traité, qui sera signé définitivement en décembre, entre désormais dans une phase de ratification qui pourrait être risquée dans certains pays. Ainsi Gordon Brown, le premier ministre britannique, doit-il faire face à une violente campagne des milieux eurosceptiques qui demandent l'organisation d'un référendum. Seule l'Irlande est tenue par sa Constitution d'organiser un tel référendum.
Thomas Ferenczi et Philippe Ricard
CALENDRIER
La mise en œuvre du traité adopté vendredi 19 octobre par les chefs d'Etat et de gouvernement doit encore passer par de nombreuses étapes.
Signature. Le 13 décembre à Lisbonne.
Ratification. Elle sera organisée dans chaque Etat, au cours de l'année 2008, par la voie parlementaire ou référendum. L'accord de tous les Etats est requis. En France, le président Sarkozy a opté pour un vote du Parlement.
Entrée en vigueur. Le traité s'appliquera à partir du 1er janvier 2009 si les procédures de ratification sont terminées. Ceux qui souhaitaient que le président du Conseil européen et le haut représentant ne soient nommés qu'après les élections européennes de juin 2009, en même temps que le président de la nouvelle Commission, n'ont pas obtenu gain de cause.
Clauses particulières. La réduction du nombre de commissaires n'aura lieu qu'à partir de 2014, Le nouveau système de vote sera appliqué à partir de 2014 ou, si un Etat le demande, de 2017.
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