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13/07/2007

Le royaume et l'empire (troisième partie)

I) le roi de France est empereur en son royaume

L'homme est un animal social affirmait Aristote, plus précisément, un zoon politicon. L'anthropologie et l'histoire montrent que les formes qui organisent cette dimension politique sont en nombre limité.

La forme la plus répandue est la tribu, le clan, l'ethnie, c'est-à-dire la logique familiale élargie parfois à de très nombreuses populations : aujourd'hui, la nation Allemande peut être conçue comme une ethnie de 80 millions de personnes que peuvent à tout moment rejoindre les ressortissants d'autres Etats s'ils sont d'origine germanique.

La cité est une autre forme d'organisation qui est apparue en Méditerranée: à l'abri d'une muraille et d'un système de lois se développe un marché. Les cités entretiennent un commerce cosmopolite que permettent particulièrement les voies maritimes; c'est pourquoi on les appelle parfois des thalassocraties. De nombreuses cités grecques, phéniciennes, Venise, Gênes, les villes de la ligue hanséatique illustrent ce type dans lequel on peut dans une certaine mesure classer le Portugal, les Pays-Bas ou l'Angleterre à certains moments de leur histoire.

Avec le télécommandement que permet l'écriture sont aussi apparus les Empires. Dans ce cas, le principe organisateur est un Etat appuyé sur des armées et une bureaucratie (les mandarins, le scribe assis des Pharaons, les missi dominici de Charlemagne...). Cet Etat conquérant vise à l'empire du monde et n'a d'autres limites que celles qui s'imposent à lui par la résistance d'une autre entité politique et l'épuisement de ses propres forces. Des Aztèques aux Assyriens, de l'Empire ottoman à l'Empire américain, les exemples sont nombreux.

En dehors de ces trois types, les autres formes d'organisation politiques (comme la théocratie de l'Islam des premiers siècles ou celle de la monarchie pontificale) peuvent être considérées comme des exceptions. La nation française est l'une de ces exceptions. Même si elle a pu servir de modèle à de nombreux mais souvent éphémères Etats-Nations entre la fin du monde féodal chrétien, et la montée du principe des nationalités (c'est-à-dire de l'organisation politique sur une base ethnique) au XIXme siècle.

La nation française n'est ni une ethnie (comme la nation apache ou la Slovaquie) ni une Cité marchande (même si des cités de ce type comme Marseille ou Bordeaux ont pu y prospérer) ni un Empire (car si un Etat en est le fédérateur, cet Etat ne prétend pas à l'empire du monde).

Le fantôme de l'Empire romain hante l'Occident depuis sa chute. C'est à cette figure que se réfèrent Byzance, Charlemagne, la Sainte Russie (ou troisième Rome), le Saint Empire Romain Germanique, les Habsbourg, Napoléon ou le troisième Reich. C'est à César que renvoient Keiser ou Tsar, et aux aigles romaines toutes les aigles qui ornent les blasons impériaux de l'histoire.

Si l'Europe devait être autre chose qu'un marché commun, (au mieux un espace de transactions entre Etats, au pire un marché à exploiter sans entraves pour la finance internationale), ce ne pourrait être qu'un empire. Il suffit de sortir de France et probablement de la Grande Bretagne, pour trouver en Europe les filigranes de la figure du Saint Empire Romain Germanique.

Or la France, par toute son histoire s'est forgée à côté et largement contre l'Empire.

La France a de nombreuses racines, mais elle se constitue lorsque les légistes des premiers capétiens proclament que le roi de France est Empereur en son royaume. C'est à dire que le roi de France revendique la souveraineté sur une partie seulement du monde et refuse toute allégeance à l'Empereur. C'est d'ailleurs parceque les barons et évêques francs ne supporteraient pas d'avoir pour souverain un sujet de l'Empereur qu'est justifiée la mise à l'écart du dernier carolingien et la prise du pouvoir par Hugues Capet.

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Michel Michel sociologue, maître de conférence à l'Université de Grenoble II

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